POUR VALLS : LA CANDIDATURE N'EST PAS FORCEMENT ROYAL (20/05/2008)
FRANCE-SOIR. Quelle est votre réaction après la déclaration de Ségolène Royal vendredi, et êtes-vous prêt à la suivre ?
Manuel VALLS. C’est son droit, mais je ne ferai aucune allégeance. Parce que nous n’avons pas changé notre organisation, le congrès se prépare dans les pires conditions : course à la signature, autoproclamation, absence de débat sur le fond… Je suis convaincu qu’une autre voie est possible réconciliant le PS avec les couches populaires, avec l’entreprise, avec l’innovation et la recherche… Un autre regard sur le monde d’aujourd’hui est nécessaire, porté vers le progrès et animé par nos belles valeurs de gauche.
Un duel Delanoë-Royal est en train de se dessiner en vue du congrès. Comment vous situez-vous dans cette configuration ?
Je les jugerai sur leur projet. Mais je ne veux pas que le congrès se transforme en congrès de Rennes, avec une ambiance de guerre intestine. La bataille pour le pouvoir est naturelle, mais nous sommes attendus par les Français uniquement sur des idées et des propositions concrètes pouvant améliorer leur vie. Si on ne le fait pas, nous raterons ce rendez-vous crucial, et nous le paierons très, très cher.
Vous souhaitez l’émergence d’une nouvelle génération. Y compris à la direction du PS ?
Oui bien sûr. Regardez ce qui se passe chez nos voisins : partout on salue l’émergence de nouveaux leaders. En Espagne, Zapatero vient de gagner les élections et, dans le même moment, il nomme au gouvernement une nouvelle génération d’hommes et de femmes trentenaires pour préparer sa succession. En France et au PS, on n’est pas capable d’envisager ce genre de principes. A Bertrand Delanoë et Ségolène Royal de le faire ! Et s’ils s’engagent sur les idées que je propose, s’ils font des propositions audacieuses, j’applaudirai.
Présenterez-vous une motion lors du congrès de Reims ?
Je n’en sais rien pour le moment, cela dépend de la façon dont il s’organise. Mais puisque j’ai des idées et que j’ai envie de les faire vivre, il n’y a aucune raison pour que je ne l’envisage pas, avec beaucoup d’autres.
Dans votre ouvrage, vous affirmez qu’au PS il faut « tout abattre pour tout reprendre ». Sur quels sujets votre parti doit-il évoluer selon vous ?
Le rapport au travail. Aujourd’hui, on vit plus longtemps, et il est probable que nous allons devoir travailler plus pour vivre mieux. Nous devons mobiliser des dépenses publiques considérables pour répondre aux nouvelles inégalités : emploi des seniors, pénibilité du travail, retraités pauvres, jeunes précaires, insertion des handicapés, mères seules… La société française est fatiguée, l’ascenseur social est bloqué. C’est pour ne pas avoir répondu à ces enjeux que le PS a perdu en 2002 et en 2007. Il s’est laissé déposséder par la droite de valeurs qui sont à l’origine les siennes : travail, nation, autorité. Nous devons nous les réapproprier.
Vous envisagez également un changement de nom : « PS c’est daté », écrivez-vous…Je comprends l’attachement au mot socialiste, mais je crois qu’il nous enferme dans une conception trop étroite. Et je veux que la gauche gagne en 2012. Le socialisme au XIXe siècle a été inventé pour remplacer le capitalisme. Or nous devons assumer pleinement l’économie de marché. Je préfère parler de la gauche. C’est suffisamment clair pour rassembler l’ensemble de la gauche derrière un projet solidaire et moderne. Sortons de nos ambiguïtés, de nos références datées et de notre surmoi marxiste que l’on conserve pour se donner bonne conscience.
Vous soulignez dans votre livre les risques « d’être marginalisé par les accusations de droitisation et les procès en sorcellerie ». Cela n’a pas manqué : François Hollande vous aurait récemment qualifié de « nouveau Bockel » (2) du PS.
Quelle vision du débat ! C’est minable. Le PS n’a pas besoin de petites formules visant à dénigrer et à empêcher le vrai débat, mais de mots forts capables de rassembler les Français. Le parti aurait dû se mettre en cause collectivement dès le lendemain des élections de 2007. Et j’espère que le prochain congrès ne sera pas l’occasion d’une nouvelle synthèse molle, au détriment de la clarté nécessaire sur le leadership, les alliances, le projet. C’est pourquoi je préfère parler de l’avenir plutôt que de François Hollande. Il est temps de changer de langage et de pratiques.
Vous n’excluez pas d’être vous-même candidat à l’élection présidentielle…
J’ai des idées à porter pour mon parti et mon pays. Et je m’interdis de m’interdire une telle possibilité !
Écrit par clemenceau | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique, royal, valls, delanoe, hollande, ump | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer | |